Furi sortit du pub de son oncle, quinze minutes après l’appel de Syn. Il devait admettre qu’il était anxieux à l’idée de le revoir. C’était incroyable de constater combien il se souciait déjà de l’homme surprotecteur et exigeant. Il lui avait envoyé des textos à heures plus ou moins régulières aujourd’hui, juste pour faire “coucou”. Syn lui avait tout de suite répondu, avec ses formules habituelles “hey, toi-même” ou “salut, toi” et c’était tout. Doug se tenait à l’extérieur avec lui, pendant qu’il fumait une cigarette et discutait avec Jared, le videur à la porte de l’établissement. Il l’avait informé de ce qui se passait avec Patrick et de tout ce que Syn avait fait pour lui. Doug était son meilleur ami, mais il était également quelqu’un qui s’inquiétait pour lui.
Furi éclatait de rire, se moquant de Jared qui faisait une bataille de claques avec Doug, lorsqu’il vit une berline noire tourner au coin de la rue, et longer le parc, juste à quelques mètres de l’entrée du pub. Un homme de grande taille en treillis militaire et un autre portant un tee-shirt noir ouvrit la portière côté conducteur, et sortit, jetant lentement un coup d’œil aux alentours, comme s’il sentait quelque chose. Syn bondit du côté passager et s’avança devant le véhicule, donnant à Furi une bonne image de lui. Tout de noir vêtu, avec un manteau en cuir dissimulant ce qu’il savait être des armes mortelles, Syn paraissait incarner le rêve humide de chaque gay concernant un bad boy. Ses cheveux foncés étaient ébouriffés – certains types devaient travailler des heures durant pour parvenir à ce résultat – cependant, sur son homme, il l’avait sans avoir à faire le moindre effort. Ses yeux étaient pratiquement charbon noir et quand il ne fut plus qu’à quelques mètres, les lampadaires les éclairèrent, et Furi put discerner la passion de Syn pour lui. Son flic approcha, enroula ses bras autour de sa taille et le serra fort contre son torse, l’embrassant comme s’il rentrait tout juste du front. Juste là, au beau milieu de la rue, devant son collègue, Doug et Jared, Syn l’embrassait comme s’il lui avait vraiment, réellement manqué.
Ignorant les sifflements derrière eux, Syn rompit le baiser après un instant, et glissa une main dans les cheveux de Furi.
— Hey ! fit-il d’une voix rauque.
— Hey, toi-même ! plaisanta Furi, plantant un autre baiser sur sa bouche.
— Comment ça va, Doug ? demanda Syn, ne quittant jamais Furi du regard.
— C’est cool, répondit-il. Furi, je m’en vais. À demain.
— Passe me chercher à huit heures.
Doug agita une main, indiquant qu’il avait entendu, se dirigeant vers sa voiture, garée trois blocs plus loin.
— Tu n’embrasses pas ton ami ?
Syn haussa un sourcil.
— D’un, je doute qu’il en ait envie, puisque tu as vérifié l’état de mes amygdales, et de deux, tu m’as dit de ne plus le faire, alors pourquoi demander ?
Furi le fixa d’un air interrogateur.
Syn ignora la question et posa la sienne.
— Où sont tes affaires ?
— À l’intérieur. Je vais les chercher.
Furi se précipita dans le pub pour prendre sa sacoche derrière le bar. Il revint, le sac sur l’épaule. Il était heureux d’avoir pu récupérer certains de ses objets personnels, comme son shampoing préféré, son propre rasoir, ses jouets sexuels… Vous voyez, rien que le nécessaire… Syn discutait toujours avec l’officier qui l’avait ramené quand Furi s’approcha de lui, et posa ses lèvres sur sa nuque. Il n’interrompit pas pour autant la conversation, continuant de parler d’une réunion prévue pour le lundi, tandis que Syn tendait un bras pour saisir Furi et maintenir sa bouche contre son cou. Bon sang, il adorait combien il était détendu avec lui. Son ami ne fit pas la moindre remarque non plus.
— Comment ça va, Furious ? demanda le grand officier aux cheveux roux, lui tendant la main.
Furi éloigna son front des larges épaules de Syn pour lui répondre avec respect.
Il tendit la main pour serrer celle du flic. Il avait déjà vu ce détective auparavant. Son nom était Ruxsben ou Ruxsburger, peu importe, aucun d’eux ne portait d’étiquette nominative, cependant c’était l’un des connards qui était venu le chercher pour l’interrogatoire. Celui qui a besoin d’une leçon pour ce qui concerne les bonnes manières. Ce soir, toutefois, il paraissait amical, fort probablement à cause de la personne que Furi tenait dans ses bras.
— Plutôt bien, mec. Et vous ?
— Je ne peux pas me plaindre. Je suis toujours à la verticale.
Furi et Syn éclatèrent de rire à sa réponse. “Personne ne veut se retrouver à l’horizontale, fixant le plafond d’une église”, comme son père avait l’habitude de dire.
— J’ai cru comprendre que tu devais faire face à de sérieux problèmes avec ton ex.
Il parut soudain sérieux, passant au tutoiement, ses lumineux yeux verts devenant pénétrants.
— Sarge fait partie de la famille et nous protégeons notre famille. Si tu es avec lui, alors tu fais désormais partie de la famille étendue. Je suis Armin Ruxsberg, soit dit en passant. Appelle-moi Ruxs.
Furi le dévisagea, impressionné, tandis qu’il parlait.
— Si tu as un problème, Furi, alors vingt-trois autres hommes ont un putain de problème aussi. C’est notre credo.
Il fouilla la poche de poitrine de sa veste et en sortit une carte de visite, la lui tendant.
— Si jamais tu as un besoin urgent, tu appelles Syn en premier, et si pour une raison bizarre il ne peut pas te répondre, tu me passes un coup de fil. Je réponds toujours à ce numéro, de jour comme de nuit.
Furi était sans voix. Il avait maintenant une famille, il était certain que cet homme disait la vérité et peu importe quel combat l’attendait, il n’aurait pas à y faire face seul.
Ruxs tendit à nouveau la main et cette fois, lorsque Furi claqua la sienne, le flic l’attira contre lui, pour l’étreindre d’un bras.
— Bon sang ! Merci. J’apprécie vraiment. Tu n’en as pas idée.
Furi fit attention à garder le contrôle de ses émotions. Il ne pouvait pas s’empêcher de repenser à l’époque où il était avec son père, cette scène lui paraissant très familière. Son père avait bénéficié de la protection de tout le gang de motards Griedon. Ils avaient été là pour lui, de jour comme de nuit, le surveillant, ainsi que son petit garçon.
Maintenant, il avait fait entrer dans sa vie un homme qui lui amenait toute une famille de durs à cuire. Il avait réellement le sentiment de marcher dans les pas de son père. Après tout ce temps !
Syn serra la main de Ruxs et lui donna une légère claque sur l’épaule.
— Très bien, mec, on rentre à la maison. À lundi.
— Putain, ouais ! Je suis plus que prêt à arrêter ce connard dès lundi.
Le type donnait l’impression qu’il pourrait s’occuper de cinq agresseurs… à lui tout seul.
Syn paraissait tout aussi dangereux.
— C’est ce que nous faisons.
— Très bien, je suis parti. Bye, Furious.
— Bye, répondit-il rapidement.
Syn prit sa main et jeta un regard scrutateur dans la rue avant de traverser. Furi resta silencieux tandis qu’ils prenaient l’ascenseur. Lorsqu’il s’arrêta au troisième étage qui paraissait désert. Syn se plaqua contre lui, le couvrant de son large corps et appuya sur le bouton pour refermer la porte.
— Il n’y a personne ici, le héros. Calme-toi, murmura Furi contre son cou.
Syn le dévisagea pendant quelques secondes, alors que l’ascenseur redescendait, ses yeux noirs étudiant ses traits, comme s’il ne l’avait jamais vu auparavant.
— Tu es si beau.
Furi se pencha en avant et toucha les lèvres de Syn très doucement.
— Merci, murmura-t-il.
Ils se tenaient toujours côte à côte lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrirent de nouveau.
— Ce n’est pas le bon endroit pour ça, vraiment pas, dit une voix, ayant du mal à articuler.
Furi remarqua le soupir colérique de Syn. Un type avec de longs cheveux filiformes et son groupe firent surgirent de l’ascenseur avant qu’ils puissent s’éloigner. Syn se précipita devant lui, glissant Furi derrière lui.
Il trouvait la situation amusante.
— Qui est-ce ?
— Personne d’important, répondit Syn, roulant des yeux.
Furi s’appuya contre le chambranle de la porte, pendant que Syn tournait avec colère sa clef dans la serrure et ouvrait le panneau d’un coup d’épaule.
— C’est mon voisin ennuyeux. Il vit de l’autre côté du couloir. Il met sa putain de musique bien trop forte et a toujours des tas de gens pour faire du bruit dans le couloir. C’est un drogué, il est totalement insignifiant.
— Alors, pourquoi es-tu en colère ?
Furi saisit les épaules de Syn avant qu’il aille plus loin dans l’appartement.
— Je ne le suis pas. Je déteste simplement lorsque des gens ont pour habitude d’en irriter sciemment d’autres.
— Ce ne sont pas tes affaires.
Furi retira son sac des épaules de Syn et le posa sur le canapé.
— Tu as raison.
Syn passa ses bras autour de sa taille.
— Comment était ta journée ?
— Bonne. Très bien même. Tout se met parfaitement en place.
Cela lui semblait tellement ordinaire. Il tenta de ne pas penser à sa précédente tentative avortée de mener une vie de couple normale. Syn était si mature, si protecteur, tout ce que Patrick n’était pas.
— As-tu faim ?
— Je suis affamé, en fait. Tout ce que j’ai eu, de toute de la journée, c’était un bout du hamburger de Doug. J’ai été en mode “à toute vapeur”.
— Veux-tu manger…
Syn hésita avant d’ajouter :
— … dehors ?
Furi l’étudia. Il savait que son amant pensait à leur dernière fois et à la manière dont cela s’était terminé. Syn, énervé et embarrassé, Furi se précipitant dehors, seul.
— Ouais, j’aimerais bien.
Il donnerait une autre chance à Syn. Il ne pensait pas qu’il le décevrait cette fois.
Syn afficha un sourire en coin.
— Bien. Je connais un bon japonais en centre-ville. Puis nous devrons faire un arrêt quelque part.
Furi tira sa brosse à cheveux de son sac pour la passer rapidement dans sa chevelure avant de partir.
— Un arrêt où ?
— Les choses ne se sont pas déroulées comme je l’avais espéré avec l’ordonnance restrictive.
Furi fit une pause à mi-hauteur.
— Que veux-tu dire ? En as-tu obtenu une ?
— Non. Mais ne t’inquiète pas, poursuivit-il quand il remarqua l’expression nerveuse que Furi ne put dissimuler.
Merde ! Il n’y a rien pour obliger ce connard à rester loin de moi !
Aussitôt, les mains de Syn se retrouvèrent sur ses joues.
— Hey ! Je t’ai dit de ne pas t’inquiéter. Je vais gérer cette merde à ma façon.
Furi laissa échapper un petit soupir fatigué et leva une main pour la passer dans ses cheveux, cependant Syn l’attrapa.
— Ne les tire pas, bébé, dit-il en souriant. Me fais-tu confiance, Furi ? Crois-tu que je peux m’occuper de ça pour toi ?
Furi le fixa droit dans les yeux. Il y trouva de la loyauté.
— Oui, tout à fait.
Ils s’embrassèrent comme s’ils consolidaient leur engagement mutuel et les secondes se transformèrent en minutes. Aucun des deux hommes n’était pressé de s’arrêter ni de rompre le baiser, ne faisant des pauses que pour changer de position ou reprendre une grande bouffée d’air.
— Mmm… Tu as si bon goût. Cependant, tu ferais mieux d’arrêter avant de finir mort de faim, parce que tu si tu continues, je vais te prendre. Vite et fort, juste là, sur le sol de son salon, haleta Furi contre les lèvres gonflées de Syn.
Celui-ci caressa les bras de son amant tandis qu’il tentait de se reprendre également.
— Très bien, je vais m’arrêter… pour l’instant. Toutefois, assure-toi de garder cette idée dans un coin de ton esprit.
Syn était parfait. C’était comme s’ils étaient à leur premier vrai rendez-vous. Ils mangèrent à la lueur des chandelles dans un restaurant charmant, avec vue sur la rivière Missouri. Il avait du mal à croire combien son compagnon pouvait se montrer romantique. Il tenait sa main et le regardait avec désir, comme si Furi représentait tout pour lui. Il aimerait que ce soit la réalité, cependant, c’était encore beaucoup trop tôt dans leur relation. Syn profitait du sentiment d’avoir un partenaire et Furi n’était pas complètement idiot, sachant pertinemment que les choses changeaient avec le temps. Cependant, il lui avait promis qu’il n’exprimerait plus à voix haute ses doutes, désormais. Il profiterait de chaque seconde qu’il passait avec lui. Ils discutaient en marchant sur le trottoir, se tenant par la main, parlant de tout et de rien. Syn était si intrigué dès que Furi parlait de son garage. C’était un tel soulagement, complètement différent d’être en compagnie de quelqu’un qui le soutenait sans condition, surtout sur un sujet aussi important pour lui.
Syn ne parla pas beaucoup de sa famille. Juste qu’ils ne s’intéressaient qu’au travail et à l’accomplissement de carrières productives, que la vie n’impliquait ni amusements ni jeux, qu’elle était uniquement dédiée au boulot. C’était déchirant d’entendre que son homme, plus vrai que nature, avait subi un tel lavage de cerveau, au point d’avoir cru qu’il ne méritait pas le bonheur.
Il était plus de vingt-trois heures. Ils étaient de retour sur l’autoroute 285, le ventre plein d’un steak saikoro et de riz japonais.
— Le dîner était très bon. Merci.
Syn le regarda et sourit brièvement.
— De rien.
Le sourire sexy qui apparut ensuite indiqua à Furi que son amant pensait à quelque chose de beaucoup plus sexuel.
— Veux-tu remettre ça plus tard ? Ce restaurant n’était pas si cher.
Furi éclata de rire. Seigneur, il adorait quand Syn se montrait impertinent avec lui. Cet homme avait besoin de plus de rires dans sa vie, au lieu de s’inquiéter constamment.
— Oh, certainement ! Je suis quelqu’un de facile, bébé.
Syn souleva son bras de l’accoudoir et posa sa main sur la cuisse de Furi.
— Bien, parce que je prévois de profiter pleinement de toi ce soir.
Avant que Furi puisse répondre, il remarqua que Syn avait dépassé leur bretelle de sortie.
— Hey ! Tu es si excité que tu as raté notre sortie.
— Je te l’ai dit, je dois régler quelque chose.
— Syn… grogna Furi et il ferma les yeux. Sais-tu où Patrick et son frère résident ?
— Bien sûr que je le sais. Je suis détective, non ?
Le flic était totalement sérieux lorsqu’il le regarda.
— Syn. Je n’aime pas ça. Allez… Nous avons passé une bonne soirée, revenons à ton appartement pour que je puisse te baiser et te montrer combien j’ai apprécié, ronronna Furi, espérant décourager son compagnon déterminé.
— Détends-toi. Je te promets que ce sera rapide et sans douleur.
— Oh, mon Dieu ! Oh, mon Dieu ! Oh, mon Dieu !
Furi se laissa glisser dans le siège, désirant disparaître. Autant il aurait aimé voir son nouveau petit ami botter le cul de son ex, autant il souhaitait que Patrick et Brenden disparaissent totalement de sa vie. Il ne voulait plus jamais les revoir.