— Très bien, Syn, ne me fais pas perdre mon putain de temps. Voyons voir ce que tu as.
Syn se retourna et regarda celui qu’il espérait être son futur lieutenant. La voix bourrue de God pouvait réellement intimider une personne. Ajoutez à cela la taille et les tatouages du gars, et il paralyserait n’importe qui… mais Syn n’était pas comme la plupart des hommes.
Il avait posé sa candidature pour un transfert immédiat de son commissariat de Philadelphie quand il avait entendu dire qu’une place était disponible dans l’équipe la plus célèbre de l’Est des États-Unis. Un groupe d’intervention qui était dirigé par le lieutenant Cashel Godfrey – connu sous le surnom de God – et le lieutenant Leonidis Day, un salopard vif d’esprit, sarcastique et râleur qui n’avait pas peur de vous briser en deux s’il vous avait dans le nez. Le duo dynamique avait été promu au rang de lieutenant il y a quelques années, après avoir été des détectives pendant seulement cinq ans. Être promus aussi rapidement était sans précédent – avant qu’ils soient recrutés par le maire d’Atlanta pour diriger leur propre brigade spéciale afin de mettre à mal certains des fils de pute les plus durs de ce côté du Mississippi. Les nouvelles règles de God et Day étaient les mêmes qu’auparavant… il n’y en avait aucune.
Le lieutenant Day se trouvait d’un côté de la porte verrouillée, une grimace sarcastique ornant déjà son visage, ses deux 9 mm chromés pointés vers le porche branlant. God se trouvait du côté opposé, son large dos appuyé contre le mur en brique rouge de la maison, ses Desert Eagle jumeaux armés et prêts à tirer. Syn jeta un dernier coup d’œil derrière lui et vit le détective Ronowski à ses six heures, son fusil chargé. Syn lui adressa un petit hochement de tête. Tout semblait bien parti.
Il se redressa de toute sa hauteur, cambra le dos, passa son poids sur sa jambe arrière, leva sa botte droite en un mouvement fluide et fracassa le fin panneau de bois entourant la poignée de porte.
— Police d’Atlanta ! Police d’Atlanta ! hurla-t-il, avançant rapidement à l’intérieur de la petite maison, les prunelles fixées droit devant lui, mais conscient des mouvements à la périphérie de ses yeux.
God et Day étaient à l’intérieur maintenant et Syn les vit balancer les tables et les chaises qui se trouvaient sur leur passage, se traçant un chemin vers le couloir le plus proche qui donnait sur ce qui semblait être quelques chambres et à une petite salle de bain. Syn cria une série de “clair” pour le salon et la cuisine, Ronowski commença rapidement à fouiller les coussins du canapé, tâtonner sous les tables, puis tapoter sur les murs, à la recherche de bruits sourds. Les trafiquants de drogue étaient connus pour planquer la marchandise, l’argent et les armes derrière des parois amovibles.
— Police d’Atlanta ! Faites-moi voir vos mains, maintenant ! ordonna Day, dont la voix flotta tout autour de Syn tandis qu’il revenait vers l’avant de la maison.
Il aperçut Day conduisant un homme vers l’extérieur, qui paraissait avoir le début de la trentaine. Il ne portait pas de tee-shirt et ses cheveux étaient plaqués sur un côté de sa tête, comme s’il avait été surpris en plein sommeil. Ses mains étaient menottées derrière son dos avec un collier de serrage en plastique. Day le poussa vers le canapé miteux et God le regarda, le défiant d’essayer de se lever.
— Je suppose que vous n’allez pas me lire mes droits, putains de flics répugnants. J’ai entendu dire que tu posais des questions sur moi, dans le coin, God… Et d’autres conneries aussi.
— Peut-être que je devrais arranger ça afin que tu n’entendes plus rien d’autre, grogna God.
Syn vit son supérieur sortir son couteau cranté de trente centimètres du fourreau dissimulé sous son bras gauche. Il retourna magistralement la lame au-dessus de sa main une fois – le genre de mouvement que vous voyiez dans les films de Jet Li – utilisant l’autre pour saisir douloureusement le haut de l’oreille du suspect.
Celui-ci s’immobilisa et devint très calme alors que le bout de la lame glissait légèrement sur le côté de son visage et s’arrêtait sur son lobe.
— Calme-toi, putain, God ! siffla l’individu.
— Que pourrais-tu avoir entendu d’autre, Goose ? demanda God d’une voix grave.
— Rien, mec ! Rien, je te le jure !
Syn vit que God le regardait droit dans les yeux et il s’assura que son masque dénué de toute expression était bien en place. Il avait lu tout le dossier de cette ordure de dealer, couvrant les deux dernières années. Leur suspect, Greg “Goose” Jenkins avait pris la suite du commerce illégal de son oncle lorsque Day et God l’avaient arrêté et fait condamner à vingt ans de réclusion. Les gars de leur équipe avaient effectué suffisamment de surveillance concernant Goose pour décider d’opérer une fouille légale, obtenant la solide conviction qu’ils trouveraient de la drogue, du cash ou des armes dans la baraque.
God éloigna son couteau, Goose cracha sur le sol et fixa chacun d’entre eux avec un regard haineux.
— Où est le mandat, God ? Ton gars est déjà derrière, à fracasser ma putain de maison. Laisse-moi voir ton foutu ordre de perquisition.
Syn garda les yeux rivés sur le suspect, mais les commentaires du gars lui hérissaient les poils. Ne devraient-ils pas appeler des renforts maintenant ? Que faisaient donc Ronowski et Day à l’arrière ?
Syn faisait partie de l’équipe à titre d’essai. Il avait besoin de prouver qu’il pouvait suivre des ordres, anticiper le besoin d’agir et travailler efficacement en tant que membre du groupe, devant également démontrer qu’il était impitoyable et dangereux… comme tous les autres. Il avait entendu des histoires comme quoi ces gars étaient des durs à cuire. Syn l’était aussi. Il voulait grimper les échelons, donc appartenir à la force d’intervention de God et Day était un moyen sûr de se faire un nom, de sortir de l’ombre de son père et de gérer sa propre carrière.
God attrapa une des chaises de la salle à manger, la retourna et se mit à califourchon. Il fixa Syn, les prunelles vertes le transperçant, toutefois, il n’osa pas détourner les yeux. God était aussi intuitif que possible. Il savait que Syn pensait que quelque chose clochait dans cette descente.
— J’ai entendu dire que tu étais un flic véreux, cracha Goose en direction de God.
— Tu n’entends que des conneries ! répondit Syn avant que God puisse le faire.
Celui-ci le dévisagea brièvement.
— Où est ton putain de mandat, God ? Je n’ai entendu aucun de vous, fils de pute, toquer avant de fracasser ma porte et de vous inviter chez moi.
— Tu n’invites pas le vent, intervint Day avec un sourire mauvais, revenant de l’arrière avec Ronowski sur les talons. Il ne fait que souffler.
— Va te faire foutre ! rétorqua Goose.
Ils déposèrent un coffre-fort de taille moyenne sur la table à manger branlante et Ronowski tira rapidement un petit dispositif d’une de ses poches. Il l’attacha à l’avant du coffre, juste à côté du verrou. Posant son oreille contre le panneau, il écouta attentivement tandis qu’il faisait tourner le cadran.
— Je le savais ! Foutus flics de merde ! hurla l’homme en colère, bondissant sur ses pieds.
God bougea si vite que Syn n’eut aucune chance de réagir. Ses larges mains saisirent le suspect à la gorge et le soulevèrent de plusieurs centimètres en l’air, avant de le relâcher brutalement sur le sol impitoyable.
— Aïe ! gloussa Day.
Merde ! La tête de Syn lui tournait. Quelque chose clochait. God n’avait pas de mandat, il n’avait pas lu les doits du suspect, et personne n’appelait de renforts. Oh, bordel… c’est pas possible !
— Tout va bien là-bas, détective Sydney ?
Syn cligna des yeux et réalisa que des rigoles de sueur coulaient sur son visage et que son arme de service était toujours sortie. Tous les autres avaient rangé les leurs dans leurs étuis. Syn espérait qu’il n’était pas témoin de ce qu’il redoutait.
— Jackpot ! annonça Ronowski.
Syn se retourna et vit le flic au visage lisse sortir des liasses de billets enroulés. Il ne savait pas au juste combien, mais il devait au moins y avoir entre dix et vingt mille dollars, puisque chaque rouleau contenait des billets de cent dollars. Ronowski se tourna et adressa un clin d’œil à God. Syn plissa les yeux. S’il vous plaît, que quelqu’un sorte un sac pour recueillir les preuves. S’il vous plaît… Les brillantes prunelles bleues de Ronowski se tournèrent vers Day et, avec horreur, il vit l’homme sur lequel il avait entendu de si merveilleuses histoires, tendre la main vers le coffre pour en sortir plusieurs rouleaux de cash, et les glisser dans la doublure de sa veste… God et Ronowski le suivant de près.
— C’est jour de paie pour ta première sortie. On dirait que tu as de la chance, Sydney.
L’expression de God contenait un avertissement quand Syn refusa d’empocher le moindre billet.