Furi arpentait le tapis du salon de Syn pour ce qui lui semblait être la millionième fois depuis qu’il attendait son retour. Comment a-t-il osé m’ordonner de partir ? Comme si j’étais un foutu gamin ! Il décida alors qu’il allait avoir une bonne discussion avec Syn. Il ne serait pas un homme entretenu ni sa chienne.
Il s’arrêta à mi-chemin quand il entendit la porte s’ouvrir et se refermer derrière Syn. Toute la colère et l’hostilité qu’il ressentait pendant qu’il était resté seul chez lui, disparurent purement et simplement lorsque le bel homme retira son manteau noir et le jeta sur le canapé afin de s’approcher de lui avec un regard affamé.
— T’a-t-il fait mal ?
La voix de Syn était rocailleuse. Il posa ses deux mains de part et d’autre du cou de Furi et le souleva gentiment, remarquant la légère zébrure rouge qui se trouvait là.
— Je vais bien. En dehors du fait que tu n’arrêtes pas de me sauver, je ne suis pas un faible. Je peux me défendre tout seul, lança Furi avec une pointe de venin dans son ton, s’écartant de l’examen attentif de Syn.
— Exact… ce cours intensif de Monsieur Miyagi au Y… s’exclama Syn en riant, mais Furi trouva que c’était tout sauf drôle et il fit en sorte que Syn le sache.
— Ne te fous pas de moi !
Furi le contourna et se précipita vers le couloir. Le bruit des pas de Syn résonna derrière lui. Il fut rattrapé au moment où il ouvrait la porte de la salle de bain.
— Hey, hey, hey ! murmura Syn. Je suis désolé. Je ne me moquais pas de toi, je ne faisais que te taquiner.
Furi fronça les sourcils et il secoua la tête.
— Laisse-moi expliquer : plaisanter après une situation hautement stressante m’aide à me calmer. J’ai besoin de redescendre du pic d’adrénaline qui a déferlé dans mes veines, c’est tout.
Furi parut sceptique, avant de finalement soupirer.
— Je suis désolé aussi.
Il garda sa main dans celle de Syn et reprit le couloir en sens inverse pour s’installer dans le salon.
— Alors, l’as-tu tué ?
La tête de Syn partit en arrière comme si ce que Furi demandait était totalement absurde.
— Peu importe. Oublie que j’ai dit ça, je ne veux pas parler de lui.
Furi s’approcha plus près, posant une main sur la poitrine de Syn.
— Tu vas bien ?
Syn combla le petit espace entre eux, ne laissant que quelques centimètres.
— Maintenant, oui.
Furi saisit sa main droite, et recula légèrement lorsqu’il sentit la moiteur de la sienne. Il regarda sa main, notant le sang qui était étalé sur ses doigts. Oh, mon Dieu ! Furi leva la main de Syn afin de l’observer attentivement et grimaça devant les phalanges blessées. Elles affichaient une jolie couleur pourpre et sur certaines, la peau était arrachée ou ouverte. Toute la main de Syn était tuméfiée et devait, sans aucun doute, l’élancer. Syn haussa nonchalamment les épaules.
— Tout va bien. Ce sont juste des éraflures.
— Merde ! murmura Furi. Es-tu sûr de ne pas l’avoir tué ?
Les yeux charbon noir de Syn étaient mortellement sérieux.
— J’aurais aimé. Il ferait mieux d’être reconnaissant que God ait été là pour m’arrêter.
— C’est bien que tu aies écouté le Tout-Puissant. Patrick pourrait avoir bien besoin d’un petit Jésus dans sa propre vie, ajouta Furi.
Syn explosa de rire.
— Non, God est mon… oh, peu importe !
Furi continua d’examiner la main de Syn pendant qu’il déglutissait difficilement, afin de faire passer la boule qui s’était formée dans sa gorge. Il prit ensuite son autre main et le guida vers la cuisine.
— Assis !
Il indiqua une des petites chaises près de la table. Il fouilla quelques placards avant de trouver celui qui contenait des bols. Il ouvrit le congélateur, heureux de voir que, bien qu’il ne contienne aucune nourriture, il y avait quelques bacs à glaçons. Il en lança deux dans le récipient, sortit deux bières du réfrigérateur et les posa devant son boxeur professionnel. Souriant intérieurement, il demanda :
— Où est ta trousse de premiers secours, Champion ?
— Sous l’évier.
Syn secoua la tête, observant intensivement Furi.
— Alors, tu es de retour aux surnoms ? Tu refuses à nouveau de prononcer le mien ?
Ignorant la question, Furi posa plusieurs serviettes sur la table, avec la trousse de soins et s’installa sur la chaise opposée, la rapprochant de Syn, ses genoux se glissant pratiquement entre les cuisses écartées.
— Donne-moi ta main.
Syn décapsula sa bière, plongea sa main ensanglantée dans le bol, heurtant le fond avec un bruit sourd. Il ne grimaça même pas à la douleur.
— Argh ! Seigneur ! Qu’est-ce que…
Furi plissa le nez lorsqu’il releva son membre du bol de glace.
— Je t’ai dit de me donner ta main. Bon sang ! Gros dur !
Syn porta la bière à ses lèvres et prit une longue gorgée, buvant la moitié de la bouteille avant de la claquer sur la table.
— Mmm… ça fait du bien.
Furi opéra aussi doucement qu’il le pouvait sur ses doigts, sentant son regard intense posé sur lui pendant tout ce temps. C’était étrangement silencieux, pas même le son de leurs respirations ne pouvait être entendu, malgré leur proximité. Furi nettoya tout le sang et se tenait prêt à désinfecter les plaies.
— Cela pourrait piquer un peu, dit-il tranquillement, sans relever les yeux.
Il versa un produit antiseptique sur les phalanges, soufflant rapidement dessus afin d’essayer d’apaiser la sensation désagréable. Après avoir finalement réalisé que la main de Syn n’avait même pas bougé, il releva les yeux vers le sourire amusé qui illuminait le beau visage. Il réprima un rire embarrassé, réalisant que ce qu’il venait de faire ne concernait pas vraiment un adulte. Je souffle toujours sur quelque chose lorsque ça brûle.
— Tu es un crétin. Arrête de me dévisager de cette façon. Je pensais que ça piquait.
— C’était le cas.
Bon sang ! La voix de Syn paraissait aussi mystérieuse que dangereuse. Comme un grondement sexy et bas qui provenait du plus profond de sa poitrine. Cela le rendit fou de désir.
— Mais tu as fait en sorte que tout aille mieux.
— Très bien, vas-y ! Moque-toi de moi, petite nature.
Syn claqua la langue.
— Encore les surnoms. Il semblerait que j’ai été rétrogradé.
Furi étala un peu de crème sur la chair exposée, puis il déposa quelques glaçons dans un torchon qu’il entortilla avant de l’appliquer sur les parties gonflées de la main de Syn. Il le fixa droit dans les yeux avant de reprendre la parole.
— Tu détestes vraiment les surnoms, hein ?
Un petit sourire relevait le coin de sa bouche.
— Tu peux dire ça.
— Syn est un surnom, parce que ce n’est pas ton prénom de naissance. C’est pourtant ainsi que tu veux que je t’appelle.
— Faux.
Furi haussa un sourcil.
— Et comment aimerais-tu que je t’appelle ? Chéri, peut-être ?
— Seulement si tu en as envie.
— Logique…
Furi était sur le point de préparer les bandages pour la main de Syn tant qu’elle était glacée.
— Le tien est vachement cool, cependant. Tu dois adorer ton surnom : Furi. Cela ressemble à celui d’une star du porno. Ooops…
Syn feignit d’avoir oublié ce qu’il faisait pour vivre.
Furi envoya gentiment son poing dans sa poitrine ferme. Bordel, il y a des putains de muscles partout !
— En fait, je ne suis pas fan de mon prénom. J’ai pensé à changer le tout lorsque j’ai modifié mon nom, mais à cause de mon père, je l’ai gardé.
— Ton père l’a-t-il choisi ou t’a-t-il appelé comme lui ?
— Euh…
Furi se racla la gorge.
— Non, en fait, c’est ma mère qui a choisi. Elle m’a nommé ainsi d’après son état d’esprit à ma naissance.
Syn le dévisagea sans dire un mot et Furi se sentit très mal à l’aise. Il lui jeta un coup d’œil et fut soulagé de constater que le visage de Syn ne montrait aucun jugement ni pitié, donc il poursuivit.
— Eh bien, quand tu réfléchis, j’aurais pu m’appeler “énervé” ou “livide”.
Il gloussa sans humour.
— Elle était réellement enragée lorsqu’elle a découvert que mon père l’avait mise enceinte, et l’a fichue à la porte juste après. Son médecin a merdé et lui a annoncé qu’elle aurait une fille, imagine donc sa surprise lorsque je suis sorti, avec un petit quelque chose en plus, là où il n’aurait rien dû y avoir. Oh, ouais, elle était absolument furieuse. D’où mon nom. On m’a dit qu’elle avait refusé de me prendre dans ses bras les deux premiers mois de ma vie.
Il haussa les épaules comme si ce n’était rien.
— Qui s’est occupé de toi ?
— Mon père et sa mère.
— Ta mère a fini par revenir, non ?
— En quelque sorte. Elle touchait des allocations et ils lui ont annoncé qu’afin de continuer à bénéficier des bons alimentaires et du logement gratuit, je devais vivre avec elle. Elle n’a fait que le strict minimum. Mon père venait tout le temps. Parfois, il devait se battre avec ses petits amis du moment quand ils voulaient s’en prendre à moi. C’était alors un réparateur de motos qui possédait son propre garage, c’était petit, mais son entreprise tournait bien.
Furi retira les glaçons de la main de Syn et réappliqua de la pommade.
— Continue, l’encouragea Syn.
— Mon père effectuait un sacré bon boulot pour son gang de bikers local et ils veillaient sur lui. Je croyais que c’était les gars les plus dangereux au monde. À partir du moment où j’ai eu quatre ou cinq ans, il m’emmenait à son atelier et me laissait le regarder.
Furi commença à sourire au souvenir, s’occupant toujours de la main de Syn en même temps.
— J’étais capable de remonter un moteur à l’âge de dix ans et j’ai construit ma première moto quand j’en ai eu quinze. Je l’ai aidé à faire tourner son garage jusqu’à ce qu’il…
— Je suis désolé, Furi, murmura Syn.
— Tout va bien, cela fait un moment.
— Hey, petit génie ! Pourquoi t’embêter avec les cours de mécanique alors que tu en sais probablement plus que les enseignants ? demanda Syn en souriant, tentant manifestement d’alléger l’atmosphère.
— Bien que ce soit tout à fait exact, lorsqu’un client vient dans ton garage, il veut voir tes diplômes et accréditations étalés sur le mur, ou il va ailleurs.
— On dirait que ton père était un excellent homme d’affaires. Avait-il des diplômes aussi ?
— Nan. Juste sa réputation, et les affaires marchaient bien.
Syn baissa les yeux sur sa main tandis que Furi caressait légèrement les bandages du bout de ses doigts. Il avait essuyé tout l’excès d’eau provenant des glaçons, et posé une compresse stérile grasse sur les phalanges avant d’enrouler sa main dans de la gaze. Lorsque le dernier bandage avait été mis en place, il avait tapoté sa main, voulant désespérément l’embrasser pour atténuer la douleur.
— Très chouette. Tu as un diplôme en premiers secours également ?
Le demi-sourire très sexy de Syn était rapidement devenu une des faiblesses de Furi.
— Nan. Mais durant mes années de mariage, je suis devenu plutôt doué pour soigner les coupures et les ecchymoses.
Bon sang ! Pourquoi est-ce que j’ai dit ça ?
— Je suis désolé, je n’aurais pas dû en parler.
— Mais c’est la vérité, déclara-t-il solennellement.
Ses yeux étaient sombres et un pli profond creusait son front. Syn se leva brusquement, attirant Furi contre lui. Il ne pouvait plus regarder les yeux du flic. Il avait tellement honte de s’être laissé devenir une putain de victime. Syn était fort et courageux, un flic respecté et intelligent. Pourquoi voudrait-il de quelqu’un comme lui ?
— Furi, regarde-moi, bordel !
Ses prunelles se relevèrent brusquement et croisèrent les orbes de Syn.
— Nous avons tous des choses dans notre passé dont nous ne sommes pas fiers. Peu importe là d’où tu viens et jusqu’où tu es allé, tout le monde doit faire face à des épreuves. Ce qui te définit en tant qu’homme c’est ta manière de les surmonter. Vas-tu te battre ou vas-tu les laisser t’abattre ?
— Je ne suis pas battu du tout ! Je me suis enfui au beau milieu de la nuit comme un voleur. Je n’ai pas lutté.
Il baissa les yeux vers le sol.
Syn souleva gentiment son menton, afin de plonger dans son regard.
— En ce qui concerne ton mari et son connard de frère ? Ils ne se battent pas à la loyale. Tu es un homme très viril et magnifique, parce qu’un véritable homme sait quand il doit partir et abandonner un combat qu’il ne pourra pas gagner. Tu peux croire que je remporte toujours la manche, toutefois je serais le premier à te dire que ce n’est pas vrai et que j’en ai perdu davantage, cependant je suis foutrement sûr de continuer à me battre. Je suis un homme et toi aussi. Ne pense pas que je n’ai pas remarqué comment tu t’étais débarrassé d’un de ces gros porcs dans cette ruelle ce soir. Ton beau-frère était toujours plié en deux, à hurler comme une chienne, tenant son genou longtemps après que tu sois parti.
Furi ne put retenir un grand sourire en entendant ça.
— Tu es génial et le peu que j’en sais sur toi est fascinant. Je veux apprendre à mieux te connaître afin de tout savoir sur toi. Je peux te promettre que rien de ce que tu pourrais dire ne me ferait grincer des dents et prendre la porte.
Syn paraissait plus vulnérable que Furi ne l’avait jamais vu.
— Et j’espère que tu ne vas pas reculer lorsque je te parlerai de mon passé et de mes déboires.
Le souffle de Furi resta coincé dans sa gorge.
— Et de mes désirs, ajouta Syn en murmurant, se penchant en avant afin de nicher son nez près de son oreille.
Il enfouit son visage dans ses cheveux et inhala profondément, avant de repousser une mèche derrière son oreille.
— Seigneur, je te veux tellement ! S’il te plaît…
Furi était prêt à jurer que quelque chose cliqueta à l’intérieur de lui en cet instant. Syn exprimait enfin à haute voix qui il était et ce dont il avait besoin. Il savait ce que le flic désirait, cependant serait-il assez brave pour plonger à nouveau ? Il l’avait fait une fois et avait à peine pu s’en sortir vivant. Pouvait-il faire confiance à Syn ? Oui, très certainement, parce qu’il était dix fois plus humain que Patrick ne l’était.
Furi éloigna Syn de ses cheveux et le regarda droit dans les yeux.
— Tu n’as jamais été avec un homme.
Ce n’était pas une question, toutefois Syn secoua tout de même la tête.
— Es-tu prêt à prendre tout ce dont tu as réellement besoin maintenant ? Parce que je peux te le donner si tu peux l’accepter.
Furi lécha les lèvres de Syn, appréciant le frisson qui le traversa.
Syn hocha la tête.
— Dis-le ! grogna-t-il. Je veux t’entendre le demander.
— Peux-tu me donner ce dont j’ai besoin, Furi ?
Syn se retenait à ses épaules comme si c’était son radeau de survie et qu’il allait se noyer.
Furi serra fermement la nuque de Syn, l’attirant rudement vers sa bouche, crachant pratiquement les mots entre ces lèvres sexys et entrouvertes.
— Putain, oui ! Si tu es assez viril pour le prendre, alors je peux te le donner.
La voix de Syn était si basse que Furi dut tendre l’oreille pour l’entendre, mais lorsque ses paroles sortirent dans un timbre dur et grave, elles furent comme de la lave en fusion coulant dans sa gorge, tombant droit dans son estomac.
— Vas-tu me laisser te baiser, Furious ?
Furi plongea dans ses orbes noirs et sut qu’il avait bien compris. Syn réclamait en hurlant que quelqu’un le déshabille et le débarrasse de son contrôle afin de lui faire oublier qu’il tenait toujours les rênes, prenait toutes les décisions, pour qu’il se laisse enfin aller à profiter de cette euphorie.
— Non, Syn, je vais te baiser.