Syn ne pouvait pas s’empêcher de se sentir en colère quant à son rôle dans cette arrestation. Il avait délibérément été laissé dans le noir. Il n’attendit pas que God et Day terminent leur petit échange avant de les interrompre.
— Hey ! cria-t-il, tirant sur l’épaule de God, l’obligeant à se retourner pour lui faire face.
Le regard sévère de God avait très peu d’effet sur Syn.
— Si je dois être un foutu sergent sous vos ordres, alors je demande à savoir tout le temps ce qui se passe !
Il enregistra vaguement que Ronowski et d’autres membres de leur équipe étaient arrivés dans deux voitures banalisées et qu’ils se tenaient derrière lui.
— Vous êtes entrés par effraction dans mon putain d’appartement, tu as pratiquement failli me tuer en cours de route afin de nous rendre sur une scène de crime que je n’ai toujours pas vue, pour appréhender un suspect dont je ne savais rien, avant de me faire tirer dessus. Je dois savoir chaque foutu détail que vous connaissez, puis je veux en apprendre plus encore. Notamment, pourquoi diable avons-nous répondu à un appel concernant la criminelle ? Vous êtes plus hauts gradés que moi, cependant, si vous ne me traitez pas avec le même putain de respect que vous réclamez à votre égard, je vais fouetter vos culs de tourtereaux, non pas parce que je le dis, mais parce que c’est comme ça !
Syn se tourna et aboya après la foule des policiers qui s’étaient rassemblés à proximité afin de s’écarter du chemin que leur suspect avait pris et d’emballer et d’étiqueter toutes les preuves. Il ordonna à deux de leurs hommes de recueillir les déclarations des témoins qui avaient appelé pour signaler le 10-32, puis de venir le retrouver au poste dans une heure. Il se dirigea d’un pas déterminé vers l’une des berlines, hurlant par-dessus son épaule à Ronowski de l’emmener sur la scène de crime originale sur Peachtree.
— Je peux te conduire, déclara sarcastiquement God, tout en adressant un regard à Syn, disant clairement “va te faire foutre”.
Syn leva un majeur dans sa direction, avant de claquer la portière du large véhicule.
— Bordel, je l’adore ! s’esclaffa Day.
Syn se glissa sous la bande jaune de la police et indiqua à l’un des policiers en uniforme d’augmenter le périmètre de sécurité. Il ne voulait pas que des journalistes s’approchent du corps. À quelques mètres seulement de là, le coroner se tenait près de leur victime, un bloc-notes à la main.
Il se tourna vers Ronowski.
— Pourquoi le corps est-il toujours là ?
— God a dit de le laisser jusqu’à ce qu’il étudie la scène, répondit le jeune détective, faisant un signe de la main à deux policiers en uniforme qui se trouvaient à proximité.
Syn poussa un soupir de frustration tandis que les officiers approchaient, le teint légèrement verdâtre. Il pensa que c’était peut-être leur premier cadavre, car ils paraissaient fraîchement sortis de l’académie.
— Étiez-vous les premiers arrivés sur la scène ? demanda Ronowski.
— Ou… oui. Êtes-vous les gars de l’équipe de G… God ? balbutia le plus petit des deux.
— Oui, en effet. Je suis le Premier Officier, le détective Ronowski et voici leur troisième en commande, le sergent Sydney. God et Day seront bientôt là. Vous pouvez nous faire part de ce que vous avez remarqué après avoir répondu à l’appel.
Ronowski croisa les bras sur son torse et attendit que les hommes cessent de les dévisager, émerveillés, et répondent à sa question.
L’un d’eux tira un petit carnet et commença à lire les quelques informations qu’il avait notées.
— Euh… Le… Le suspect… Je veux dire… la victime…
Ronowski leva ses mains en l’air et secoua la tête lentement, interrompant le balbutiement du flic nerveux.
— Whoa ! Du calme, mon pote. Dis-nous juste ce que tu as vu.
L’autre policier commença à parler au nom de son partenaire anxieux.
— Nous avons répondu au 10-10 que nous avons entendu à la radio, nous attendant à trouver une bagarre en cours, mais quand nous nous sommes arrêtés, il y avait deux personnes qui se tenaient près d’un homme étendu dans la ruelle. Elles se sont envolées lorsque nous avons allumé nos lampes-torche.
— Était-ce des hommes ou des femmes ? Avez-vous réussi à reconnaître l’un ou l’autre ? reprit Ronowski.
— Ils portaient des vêtements amples et sombres, avec des capuches. J’ai indiqué à la radio qu’ils paraissaient tous les deux mesurer entre un mètre soixante-sept et un mètre soixante-dix. C’est tout ce que j’ai eu le temps de remarquer. Mon partenaire les a pris en chasse, cependant, il les a perdus lorsqu’ils se sont séparés. Il a donné une vague description et est revenu ici, sur la scène de crime. J’ai vérifié, cherchant un pouls, puis j’ai reporté au central que la victime était morte à notre arrivée. Elle a succombé à de multiples coups à la tête.
— Est-ce votre déduction ou cela vient-il d’une déclaration du coroner ?
La voix profonde de God suivit immédiatement le rapport de l’officier.
Tout le monde se retourna dans leur direction. God et Day avançaient devant six de leurs hommes. Bien que God soit inapprochable et menaçant, surplombant pratiquement son partenaire de treize bons centimètres, tout le monde savait à quel point Day pouvait s’avérer létal. Les deux hommes portaient des tee-shirts noirs avec l’emblème de la police d’Atlanta sur leur pectoral gauche. God avait un large pantalon noir en toile là où Day avait un jean sombre moulant. Le manteau en cuir de God, lui arrivant aux cuisses, était tendu au niveau de son large dos et s’agitait en mesure avec son badge doré qui pendait à son cou. La veste de motard rouge et noire de Day donnait l’impression qu’il avait déboulé sur la scène de crime sur une Ducati Diavel. Si quiconque voyait ce groupe marcher sur un trottoir, la dernière chose qui leur viendrait à l’esprit, était que c’était des flics. Ils ressemblaient davantage à des voyous.
— Euh… C’était ma conclusion, monsieur, confirmée par le coroner cependant, répondit le policier, regardant God avec des yeux écarquillés tandis qu’il s’accroupissait, soulevant le drap recouvrant le cadavre.
Syn l’encouragea.
— Continuez, officier…
Celui-ci se racla la gorge avant de reprendre la parole.
— Nous n’avons trouvé aucune arme, ni aucun témoin sur le crime en lui-même. Le gardien des bureaux de l’étage a entendu du vacarme et a appelé le 911, mais il a déclaré ne pas être resté dans les parages pour regarder la bagarre.
— Où mène cette porte ? demanda Day, indiquant un panneau qui s’ouvrait sur la ruelle sombre.
— Je suis allé voir. Cela semble être un petit studio de cinéma, répondit enfin l’autre policier, cessant de dévisager God assez longtemps pour intervenir dans la conversation. De films pornos.
Day leva des yeux amusés.
— Quelle surprise !
Les deux flics hochèrent la tête.
— C’est ce que nous avons découvert dans l’ordinateur. Nous avons fait le tour pour aller à l’avant. C’est verrouillé et il n’y a personne à l’intérieur. Nous avons appelé le numéro enregistré à cette adresse, cependant n’avons obtenu aucune réponse.
— Qui est le propriétaire de cette société ? demanda God.
L’officier feuilleta quelques pages de son carnet.
— “Illustra” appartient à Jonathan Mack. Nous possédons également la liste de tous les acteurs et membres de l’équipe.
Day fixa God.
— Je parie que cette petite tigresse que nous venons juste d’appréhender a un rôle récurrent ici. Je me demande ce qui l’a rendue assez folle pour qu’elle ait voulu tuer quelqu’un tout de suite après avoir terminé de baiser.
— Peut-être qu’elle n’a pas réussi à jouir, gloussa Ronowski, rejoint par plusieurs membres de son équipe.
Syn grimaça.
— Ouais, cela peut sûrement donner des envies de meurtre, ajouta Day. Après tout, je n’en sais rien.
— Day, ferme ta gueule ! aboya God aux habituels commentaires inappropriés de son amant.
Il semblerait que Day n’ait encore jamais trouvé de limites qui l’empêcheraient de sauter directement par-dessus.
God lut les badges avec les noms des policiers.
— Officiers Gemson et Boyd, je veux vos rapports sur mon bureau pour neuf heures pétantes demain matin. Vous pouvez disposer.
— Oui, monsieur, répondirent-ils à l’unisson avant de partir.
— Officiers ! les rappela God. Bon travail.
Les hommes parurent choqués, et acquiescèrent d’un simple “merci, monsieur”.
— C’était gentil de ta part. T’adoucirais-tu avec nous, God ? plaisanta Ronowski.
God s’avança vers lui et Syn crut qu’il allait sermonner le gars.
— Je ne m’adoucis jamais, Ro. Je suis toujours aussi dur. Tu devrais le savoir, siffla God près de l’oreille de son subalterne.
Les autres membres de l’équipe d’intervention ne l’avaient peut-être pas entendu, mais Syn, si. Il vit le regard de God se transformer en quelque chose qui ressemblait fortement à du désir et il saisit également ce détail. Les paupières à moitié fermées de Ronowski disaient qu’il accepterait tout ce que God avait à l’esprit en guise de punition pour son commentaire. Day observait également, sans paraître le moins du monde bouleversé par l’échange entre son amant et un autre homme.
Que diable… ? Non, c’est impossible… Syn devait mal comprendre. Cela faisait foutrement trop longtemps depuis la dernière fois qu’il avait baisé. Il voyait des regards échauffés, emplis de désir là où il n’y avait rien et avait dû mal interpréter d’innocents commentaires, leur attribuant des connotations sexuelles. Après tout, il était plus de deux heures du matin. L’heure du loup qui faisait que les hommes pensaient davantage avec leur petite tête que celle qui possédait un cerveau. J’ai besoin de dormir… d’un peu de sexe… et vite. Il refusa de chercher à comprendre pourquoi le visage de Furi surgit à son esprit à cette dernière pensée.
Il pressa ses pouces sur ses yeux et secoua la tête avec fatigue. Il vit ses lieutenants échanger ces regards silencieux de merde qu’ils avaient l’habitude de partager, donc il s’approcha de leur équipe et ordonna à tout le monde de rentrer chez eux, de dormir quelques heures et de revenir au poste pour un briefing à dix heures. Cela lui laisserait quelques heures pour discuter avec Day et God afin qu’ils répondent à toutes ses questions. Il espérait avoir été clair lorsqu’il avait indiqué qu’il ne tolèrerait plus qu’on lui manque à nouveau de respect.