Furi glissa la clef de son appartement dans le verrou avec bien plus de force que nécessaire et donna un coup d’épaule dans le panneau pour l’ouvrir, le faisant bruyamment rebondir contre le mur.
— Un flic, c’est un putain de flic ! hurla-t-il dans son appartement vide.
Il sortit une cigarette d’un paquet froissé et l’alluma tandis qu’il composait le numéro de téléphone de la seule personne en qui il avait confiance.
Furi écouta l’ennuyeuse chanson de rap qui était préprogrammée comme sonnerie sur l’appareil de Doug, attendant qu’il réponde. Il décrocha à la troisième sonnerie.
— Quoi de neuf, Furi ?
Il soupira au son de la voix de son meilleur ami.
— Hey, mec, es-tu occupé ? J’ai besoin de te parler tout de suite. Je suis en train de perdre la boule.
— N’en dis pas plus. Je suis déjà en route. Es-tu chez toi ou au pub ? demanda Doug.
— Chez moi.
Furi passa sa main gauche dans ses cheveux et tira sur les pointes. C’était une mauvaise habitude afin de calmer sa nervosité.
— Je serai là dans une vingtaine de minutes.
— Merci, bébé.
Furi se dirigea vers la salle de bain et retira le tee-shirt à l’effigie du bar, remarquant les contusions dues au coup de poing. Foutu salaud de sale gosse de riche ! Tandis qu’il s’appuyait contre le mur, attendant que l’eau se réchauffe, il repensa aux réactions de Syn. Il s’était jeté dans la mêlée comme un super héros pour sauver le gay et s’était débarrassé d’un des gars avant même que Furi comprenne ce qui s’était passé. Puis il s’était retrouvé poussé derrière lui avant que Syn sorte son badge.
Il se glissa sous le jet d’eau et se lava aussi rapidement que possible. Il tenta de ne pas penser à l’odeur de Syn, sa voix ou sa force. Les types comme ça n’amenaient que des problèmes. Des hommes puissants qui pensaient tout contrôler. Son sexe était rigide, désirant désespérément être touché alors qu’il se rejouait les actions de Syn en boucle. Il était en colère ; il ne voulait pas de lui. En fait, il avait été distrait par cette pensée jusqu’à ce qu’il voie le badge.
Furi venait juste de sortir de la douche et avait enroulé une serviette autour de sa taille quand il entendit des coups frappés à sa porte.
Il l’ouvrit à la volée.
— Bon sang, Doug ! Tu vas réveiller Madame Jones !
Il fit un pas de côté et laissa son ami entrer. Doug revenait manifestement tout juste du travail. Son jean contenait des traces de graisse et sa chemise ouverte, révélait un débardeur blanc, maculé de taches. Ses chaussures de sécurité étaient usées. Doug était le mécanicien le plus sexy qu’il ait jamais vu.
— C’est quoi, ça ? demanda-t-il, indiquant le sac brun chiffonné que Doug tenait dans sa main.
— Un petit quelque chose afin de calmer ta nervosité.
Il sortit une bouteille de Tequila Don Julio et lui adressa un grand sourire.
— Bon sang, mec ! Tu n’as pas regardé à la dépense, hein ?
Furi se dirigea vers son armoire et sortit un caleçon et un pantalon de survêtement.
— Eh bien, il m’a semblé que tu pourrais en avoir besoin.
Doug alla à la cuisine chercher deux verres dépareillés et un bac à glaçons dans le congélateur, avant de revenir vers le canapé d’occasion de Furi.
— Cela concerne-t-il toujours Mack faisant pression sur toi pour tourner une scène avec une poule ?
— Non. Je n’ai rien entendu à ce sujet.
Espérons que ce ne sera plus jamais le cas.
— C’est à propos d’un gars.
Furi enfila son pantalon et se laissa tomber à côté de Doug, prenant rapidement le verre. Il en but une gorgée et laissa l’alcool de grande qualité glisser lentement dans sa gorge.
— Putain, c’est bon !
Il le tendit pour une nouvelle rasade et Doug éclata de rire, le remplit de deux doigts d’alcool. Après deux autres recharges, Furi s’affaissa et posa la tête sur le dossier du sofa, heureux que l’alcool commence à lui monter au cerveau.
— Alors, dis-moi tout à propos de lui, rappela Doug, sirotant sa boisson.
Furi laissa échapper un soupir exaspéré.
— Par où diable vais-je commencer ?
— Par le début.
— Ouais. Eh bien, je suppose qu’il n’y a pas grand-chose à dire.
— Okaaaay.
Doug s’attarda sur le mot.
— Raconte-moi ce que tu peux alors.
— Très bien.
Furi sirota son verre et parla à Doug de l’attirance qui semblait frétiller entre eux, le fait que Syn lui envoyait des signaux contradictoires ; que ce dernier était venu jusqu’à l’arrêt de bus pour lui offrir de le raccompagner jusque chez lui ; et du fait qu’il voulait entendre son nom sortir de ses lèvres. Furi ferma les yeux lorsqu’il décrivit Syn à son meilleur ami : sa voix rocailleuse, ses lèvres parfaites entourées par une délicieuse barbe. Il lui dit tout à propos de la bagarre et de la puissance qu’il avait exsudée par chaque pore de sa peau. Puis, il lui avoua que c’était un flic. Pas juste un simple flic… un foutu détective.
— D’accord. Ce gars est venu au bar, a flirté avec toi, puis il en a empêché un autre de te frapper.
Doug compta chaque fait sur ses doigts.
— Ensuite, il t’a poursuivi afin de s’assurer que tu allais bien. Tu l’as envoyé chier parce que c’est un flic.
Doug secoua la tête.
— Je suis désolé, mais quel est le problème exactement ?
La tête de Furi lui tournait avec ses émotions tordues.
— Je t’ai raconté comment Patrick avait commencé à me frapper après avoir fait ce qu’il avait demandé au lit. Chaque fois que nous baisions d’une certaine manière, il adorait ça, pour paniquer après. Je peux deviner le même genre de comportement de merde chez Syn. Dès que ces types aiment ces baises, ils perdent la boule et ont le sentiment de devoir retrouver leur virilité en me frappant. Note mes paroles. Syn me briserait comme Pat l’a fait.
— Comment diable peux-tu le savoir ?
— Appelle ça mon intuition de gay.
Doug éclata de rire et remplit à nouveau leurs verres.
— Je pense que tu fais une généralisation injuste. Tous les hommes ne sont pas des psychopathes comme ton mari et son frère. Il y a plein de gars bien dehors. Ce flic ressemble davantage à un protecteur qu’à un bourreau, bébé.
— Je peux te garantir qu’il est dans le placard et qu’il deviendra fou après moi à la seconde où j’abaisserai ma garde pour un coup rapide avec lui.
Furi laissa sa tête tomber sur le côté tandis qu’il regardait son ami.
— C’est totalement impossible que ce foutu détective fasse son coming out et qu’il en soit fier. Tu penses qu’il va m’emmener au bal de la police ? Putain, non ! Il fera de moi son sale petit secret et finalement son punching-ball.
— Whoa ! Du calme, mec ! Tu sautes un peu trop vite aux conclusions. Laisse-lui une chance. Essaie d’apprendre à le connaître d’abord, ensuite tu décideras s’il est fou. Tu sais que je veille sur tout. Je ne laisserai jamais personne te faire du mal.
Doug examina Furi à travers ses yeux plissés.
— Tu le désires vraiment, hein ?
— Bien sûr que je veux de lui ! Il est sexy en diable, tout alpha avec ses grognements et autres conneries, désirant que quelqu’un prenne les rênes. Jamais il ne le reconnaîtra cependant.
Furi avala la dernière gorgée et leva sa main, déclinant une autre rasade.
— Un putain de flic !
— Qu’est-ce que tu as contre eux, mec ? Ils protègent et servent le public, le contra Doug.
— Ouais, ils font tout ça avec les autres, pas ceux comme moi.
— Que veux-tu dire par “ceux comme toi” ?
Furi serra les poings devant ses yeux et grimaça aux souvenirs.
— La première fois que j’ai été battu par Patrick, il m’a brisé deux côtes, m’a éclaté la lèvre et m’a filé un cocard. J’avais d’autres bleus sur mes jambes et mon dos à force d’avoir reçu des coups de pieds de manière répétée. Tout ça parce que ce salaud pensait que cela faisait de lui un homme. Après le sexe, il devait réagir pour avoir l’impression qu’il tenait toujours les rênes. Je me suis rendu à l’hôpital et, après avoir été libéré, j’ai pris un taxi pour me rendre au poste de police. J’y suis allé pour obtenir une mesure de restriction à l’encontre de Patrick. Mais les flics, ils… ils…
Doug remarqua que Furi tremblait et s’approcha plus près afin de glisser un bras autour de lui.
— Chhh… Tout va bien. Tu n’as pas à en parler.
Doug traça de petits cercles apaisants sur l’épaule de Furi.
Celui-ci se blottit contre Doug et se trouva immédiatement apaisé par le contact de son ami.
— Les flics de là-bas ont refusé de m’aider. C’était parce que j’étais gay, j’en suis sûr. Ils me regardaient avec des expressions dégoûtées. Les flics sont des putains d’homophobes. J’étais là, couvert de bandages, suppliant pour qu’ils m’aident, mais eux, tout ce qui les a intéressés c’était mes préférences sexuelles. Les contusions ne représentaient rien. Pour eux, c’était comme si je les avais méritées.
— Qu’ils aillent se faire foutre ! Cependant, tu ne peux pas en déduire que… quel est son nom déjà ?
— Syn.
— Ouais, tu ne peux pas dire que Syn est également homophobe. Je veux dire… il te draguait en public, non ? Et il t’a protégé.
Doug embrassa le front de Furi et le serra contre lui.
Le barman gémit et leva une main pour dessiner sur le torse puissant de Doug. Son sexe répondait au contact de son ami, le profond timbre de sa voix, son odeur et… bon sang, son parfum était absolument délicieux : un mélange d’aftershave avec une pointe d’huile de moteur.
— Seigneur, cela fait si foutrement longtemps…
Le rire de gorge de Doug s’insinua dans sa brume mentale et il ressentit le besoin urgent d’enjamber son meilleur ami.
— Hey, l’excité… Ne te fais pas de fausses idées.
Doug passa une main dans les longs cheveux de Furi et tira dessus afin qu’il le regarde. Ils appuyèrent leurs fronts l’un contre l’autre.
— Tu aimes ce gars. Laisse-lui une chance. Il pourrait te surprendre.
Doug se pencha en avant et frotta sa mâchoire lisse contre la joue de Furi qui ne put s’empêcher de gémir, même s’il avait pu. Doug était un homme diaboliquement sublime comparé au visage d’une beauté sauvage de Syn. Les deux étaient une source d’excitation pour lui.
— Hey ? demanda Doug, toujours contre sa joue.
— Ouais ?
— Mon frère m’a dit qu’il avait appelé pour t’informer que les papiers du divorce étaient prêts à être délivrés la semaine dernière, mais que tu ne lui avais pas encore donné ton accord. Quel est le problème ?
Il savait que Doug avait été en mesure de sentir son corps se tendre parce qu’il passa une main ferme sur sa nuque et commença à masser les nœuds qui se trouvaient là. Penser que Patrick puisse savoir où il se trouvait l’effrayait plus que tout. Si les documents lui étaient signifiés, il se mettrait certainement à poursuivre Furi, même s’il n’avait rien demandé à son futur ex-mari. Rien, à l’exception de sa liberté. Toutefois, cet homme lui avait douloureusement fait comprendre qu’il lui appartenait pour toujours.
— Je n’ai simplement pas donné mon feu vert encore.
— Furious… Pourquoi ? Vas-tu éternellement laisser Patrick te contrôler ?
— Si je lui fais apporter ces papiers, il se lancera à ma poursuite.
— Alors, laisse-le venir. Je serai là pour lui botter le cul.
Furi n’oserait jamais mettre son meilleur ami entre Patrick, Brenden et lui. Totalement impossible. C’était son combat, il le gagnerait ou le perdrait.
— J’appellerai ton frère à la première heure demain matin.
Doug lui adressa un regard sceptique.
— Tu as intérêt.
— Je le ferai si tu me donnes un petit baiser, annonça Furi en souriant.
Il était éméché et excité désormais. La téquila avait tendance à avoir cet effet chez un homme.
— Dégage de là ! rétorqua Doug en s’esclaffant, tirant sur les cheveux de Furi. Sous prétexte que tu as de longs cheveux doux et que j’ai bu un peu, cela ne signifie pas que je vais faire l’erreur de te prendre pour une femme.
— Je ne veux pas que tu le fasses non plus. Allez… Juste un petit baiser, gémit Furi.
— Très bien. Mais seulement parce que je me sens désolé pour toi. Fais vite, dit Doug en rigolant.
La tête de Furi reposait toujours sur la large poitrine de Doug quand il leva une main et la passa autour du cou de son ami pour l’attirer à lui. Le sourire de Doug disparut et il paraissait très sérieux, Furi pensait qu’il se mettrait en colère, cependant, ce n’était pas du tout le cas. Doug combla la distance et posa ses lèvres douces sur celles de Furi. Tous les deux haletèrent de surprise après le premier contact. Il n’y avait aucun duel de langues, ni de tripotage d’impliqué. Il s’agissait juste de son ami qui lui apportait un peu de réconfort et qui assouvissait son immense besoin d’affection. Furi n’était sorti avec personne depuis qu’il avait quitté son mari l’année précédente. Cela faisait vraiment un long moment sans aucun contact sexuel ni la présence réconfortante d’un amant. Furi laissa la grande main de Doug glisser dans ses cheveux, l’obligeant à se pencher contre lui. Il ferma les yeux lorsqu’il le sentit déposer un baiser léger contre sa gorge. Et ce qu’il fit ensuite lui amena les larmes aux yeux. Doug le prit dans ses bras musclés et le serra fort, murmurant contre son oreille que tout irait bien, qu’il le protègerait peu importe ce qui se passerait à l’avenir. C’était exactement ce dont Furi avait besoin.
La meilleure partie de leur étreinte venait du fait qu’il n’y avait aucune gêne lorsqu’ils se séparèrent. Doug retira sa chemise de travail et ses bottes. Il demanda à Furi de mettre un film parce qu’il allait rester pour la nuit, vu qu’il avait trop bu pour conduire et rentrer chez lui. Furi passa un film d’action et se réinstalla sur le canapé. Doug s’inclina, posant les pieds sur la petite table basse. Il tira l’oreiller de derrière son dos pour le mettre sur ses genoux, le tapotant à plusieurs reprises, indiquant ensuite à Furi de poser sa tête là. Il n’y avait pas la moindre once d’hésitation entre eux. Le jeune homme fit comme indiqué et le laissa faire courir ses doigts dans sa chevelure. Furi n’en était pas encore au générique de début que son meilleur ami, en le berçant, l’avait poussé vers un sommeil paisible.